Le buste d’une femme émerge hautement et dignement, d’une terre souterraine et volante. Sa longue chevelure lisse et soignée glisse entre des recoins où vivent des contritions physiques. Elle plonge jusqu’aux nids d’êtres sombres. Sa main de langouste caresse un masque aux cernes fatigués. La foule d’individus cloîtrés à l’intérieur de ce monde n’est plus sous contrôle non d’un gardien, mais de deux gardiens paupières et bouches closes, sommeillant sur ses épaules.
Les gardiens qui se ressemblent, sommeillent sur les épaules assurées de la femme. Ces jumeaux n’expriment pas la même humeur. L’un sourit et le second bougonne. L’un est grimaçant, et l’autre est serein. Têtes rondes sommeillant jour et nuit de rêves antagonistes aux épaules branches d’oiseaux perchés.
Les censeurs ont retardé la connaissance de ce monde. Ces gardiens perdus dans des rêves impénétrables somnolent à présent dans leurs nuits éternelles. La menace en Afrique s’éloigne dans un endormissement qui permet l’ouverture du monde.
A présent, le bonheur et la vie circulent au dedans.
Un bébé, habillé d’écorces terrestres, a les yeux grands ouverts. La lithosphère enveloppe l’une de ses jambes. L’autre brandit le hochet du moineau sage.
Sur la droite, une poupée russe est, elle aussi, sortie de son tronc d’arbre. Elle chante.
Nous retrouvons un personnage, présent dans d’autres œuvres de Wissem Ben Hassine, en bas à droite. Il s’agit de l’homme au front de faucon. Il laisse couler une larme sur sa joue gauche. Le passé si lourd pèse sur ses joues. Sa bouche est quelque peu déformée, mais elle est généreuse.
Un foisonnement de bêtes curieuses et d’ossements humains est illuminé par le souffle en spirale du ver au milieu du tableau. Sa respiration est une lumière de connaissance, elle dépeint autour d’un point fixe des révolutions. Eclairant de sa vitale lumière un monde longtemps ignoré. Ces êtres savent maintenant que nous les voyons.
Le long ver rose souffle le tourbillon de vie au creux poitrinaire de la femme qui alimente avec sa main droite le cœur de son univers.
La grande attente est achevée. La sortie de ces êtres est en acte. Des vies vont sortir de ce compressif sur-plein de sphère.
La femme est une conscience collective qui trace le chemin vers la galaxie rose, accueillant sur ses épaules, deux censeurs qu’elle hypnotise.
Et si cette voie lactée rose était une illusion ?
Même si la vie en rose est illusoire, elle reste le lieu du peuplement d’êtres réels ne tardant plus à apparaître au dehors. Ils sont là, vivants, déjà sur le chemin du grand départ.
Cette femme porte en elle le chemin de l’univers.
La femme née de cette terre illusoirement condamnée tarde aussi à éclore entièrement. Son visage et son buste sont déjà hors du système solaire du ver. Cette moitié d’humain progresse vers la complétude de son être pour les libérer. Elle ouvre la voie cosmique rose à toutes ces merveilles intérieures, exprimées, par le geste de l’artiste.
L’œuvre de Wissem Ben Hassine est promesse d’épanouissement et de bonheur.
« L’amour est en tout et partout à l’œuvre. (…) C’est par l’unité de leurs parties que toutes choses se conservent, tandis qu’elles périssent par leur séparation ».Ecrit l’humaniste florentin Ficino, l’un des fondateurs de la civilisation occidentale.
La machina mundi spiritualisé par la force mystérieuse et divine du philosophe Ficin, l’est ici par la puissance de la femme devenue lumière infinie, enceinte de narrations profondes.
La sphère vivante plane dans un désert rose. La femme jaillit naturellement de sa chrysalide. Elle se libère et libère. Elle se rend libre et rend libre. La femme est émancipatrice, parce qu’elle est symbole d’amour.
La femme au médaillon noir accueille des arapèdes, des inscriptions préhistoriques, et des formes de vies humaines et animales, sédimentés sur son corps nu.
« L’Amour est le maître et guide tous les arts » Dit Ficin.
Les êtres parqués attendent sur fond de vacuité rose. La femme préside à la survivance d’êtres enfouis, elle maintient leurs croissances même si l’étroitesse du milieu est nettement circonscrite. L’unité de la multiplicité est conservée intacte et forme la deuxième partie du corps féminin. Sur son ventre, il y a ses racines faites de diversités vivantes.
Ces êtres attachants se touchent amoureusement. Leur circonférence est nulle part et l’amour, partout.
« Tout l’univers est une sphère dont la circonférence est nulle part et le centre partout ».
L’artiste, Wissem Ben Hassine, rend visible l’intelligence des hommes. Il montre l’amour infini des peuples de la liberté.